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Abbaye Notre Dame d Acey

Homélie de P. Jean-Marc pour la Solennité de la Pentecôte 2018 – Année B

Abbaye d’Acey, 20 mai 2018        

 

Solennité de la Pentecôte 2018 – Année B

 

Actes 2, 1-11           Galates 5, 16-25           Jean 15, 26-27 ; 16, 12-15                  Homélie de P. Jean-Marc

 

À trois reprises Saint Paul nous a donné un mot d’ordre très précieux : « Marchez sous la conduite de l’Esprit. »

Oui, nous sommes des pèlerins qui tout au long de notre vie marchons sur un chemin qui, tôt ou tard, nous conduira jusqu’à la demeure du Père où le Christ nous précède par son Ascension et d’où il veille sur nous comme le berger sur ses brebis. Mais nous ne pouvons parvenir au terme de notre itinéraire (ce qui devrait polariser toute notre attention et notre énergie), que si nous nous plaçons sous la conduite de l’Esprit Saint, que si (pour reprendre une expression classique) “nous tendons notre voile à son souffle”.

De par notre condition humaine nous sommes aussi fragiles qu’un souffle et nous manquons de souffle. Comme le disent les psaumes : « L’homme ici-bas, avec tous ces tracas, n’est qu’un souffle. » (Ps 38) « Un souffle qui s’en va sans retour ». Ps 77, 39

Nous en faisons le constat tous les jours dans nos vies personnelles, familiales, et communautaires, aussi bien que dans la société que dans l’Église. Livrés à nous-mêmes nous sommes bien incapables de surmonter nos déficiences, nos contradictions et nos divisions puisque, le plus souvent, nous sommes guidés par nos tendances égocentriques et nos passions, ce que Saint Paul appelle « la chair » : « On sait bien à quelles actions mène la chair : inconduite, débauche, idolâtrie, haines, rivalité, jalousie, emportements, divisions…. » (cf. Gal 5, 19-21) En un mot, tout ce qui empoisonne nos vies et fausse nos relations.

Par contre l’Esprit Saint est le souffle essentiel, vital dont le fruit est « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. » (Gal 5, 22-23) Et Saint Paul de conclure : « Marchez sous la conduite de l’Esprit Saint, et vous ne risquerez pas de satisfaire les convoitises de la chair. » (Gal 5, 25)

Jésus, dans l’Évangile, nous dit que l’on reconnaît l’arbre à son fruit, et qu’un bon arbre ne peut porter des fruits mauvais ni un arbre mauvais donner de beaux fruits. Si nos comportements sont effectivement révélateurs de ce qui nous anime (les passions égoïstes ou l’Esprit de Dieu), nous ne sommes cependant  jamais totalement bons ou mauvais. Nous sommes des êtres mêlés où s’affrontent le monde de la chair (égocentrisme) et le monde de l’Esprit (amour). Et c’est cela qui provoque en nous, selon Paul « un affrontement qui nous empêche de faire ce que vous voudrions. » C’est bien là notre drame !… Saint Paul en fera lui-même l’amer constat : «Malheureux homme que je suis ! (…) Je ne comprends pas ma façon d’agir, car ce que je voudrais, je ne le réalise pas ; mais ce que je déteste, c’est cela que je fais. » (Rm 7, 15)

Cette incapacité humiliante à répondre à ce que Dieu attend de nous peut décourager, voire démobiliser. Mais elle peut aussi devenir une grâce pour qui, renonçant à compter sur soi, accepte de s’en remettre au Seigneur et de passer progressivement du monde égoïste, opposé à Dieu, au monde nouveau que l’Esprit Saint veut réaliser en nous… l’Esprit reçu au baptême et dont le Sacrement de Confirmation actualise et stimule l’action.

Un processus qui nécessite du temps et donc de la persévérance. Nul n’est disciple de Jésus Christ d’un seul coup, comme par un coup de baguette magique… tout comme personne ne passe de l’enfance à l’âge adulte en un seul jour. Et ce lent processus de maturation et d’épanouissement de la vie du Christ en nous n’est pas le résultat de nos efforts mais l’œuvre de l’Esprit Saint… qui, néanmoins, attend de notre part une grande disponibilité et un consentement au quotidien.

Je pense ici au très beau poème de Tagore : « Non, il n’est pas en ton pouvoir de faire éclore le bouton (de la rose). Secoue-le, frappe le, tu n’auras pas la puissance de l’ouvrir. Tes mains l’abîment. Tu en déchires les pétales et les jettes dans la poussière. Mais aucune couleur n’apparaît, ni aucun parfum. Ah, il ne t’appartient pas de faire fleurir. Celui qui fait éclore la fleur travaille si simplement. »

Oui, il ne nous appartient pas de faire fleurir en nous la Vie du Christ. C’est l’Esprit (qui travaille si simplement et si mystérieusement), qui la fera éclore en nous et nous donnera de porter des fruits savoureux de justice, de paix… en un mot, de sainteté.

La bonne nouvelle de la Pentecôte, c’est de découvrir que l’Esprit du Christ demeure en nous et qu’il agit… secrètement mais réellement, jour après jour, année après année. Nous aurions mille raisons de baisser les bras lorsque nous constatons en nous et autour de nous tant d’obstacles. L’essentiel est de refuser d’en rester là. Oser croire que l’Esprit du Christ fait vivre l’Église  et nous fait vivre chacun si nous voulons bien y consentir. Acceptons de nous laisser conduire par cet Esprit : « Puisque l’Esprit nous fait vivre laissons-nous conduire par l’Esprit. »

 

Si tu te sens démuni,

Si tu ne sais pas prier,

Si tu ne parviens pas à pardonner,

Si tu te sens incapable d’aimer en vérité,

 

Invoque l’Esprit ! Ne cesse jamais de le prier.

 

* * *