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Abbaye Notre Dame d Acey

Homélie du dimanche 20 janvier 2019 pour le 2ème dimanche ordinaire – année C – 2019 par Dom Jean-Marc

Abbaye Notre-Dame d’Acey, dimanche 20 janvier 2019

 

2ème dimanche ordinaire – année  C – 2019

 

Isaïe 62, 1-5         I Corinthiens 12, 4-11         Jean 2, 1-11                                            Homélie de F. Jean-Marc

 

« En ce temps-là il y eut un mariage à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité avec ses disciples. »

En nous offrant, aux toutes premières pages de son Évangile, l’épisode des Noces de Cana, Saint Jean nous livre une précieuse clé de lecture pour tout l’Évangile. Car l’Évangile, comme son nom l’indique, est une “Bonne Nouvelle”, une nouvelle joyeuse, jubilante, comparable à ces moments heureux de nos histoires humaines que sont habituellement les fêtes de mariage.

Car notre Dieu qui, en Jésus-Christ se fait l’un de nous jusqu’à partager nos destinées avec leurs peines et leurs souffrances, mais aussi leurs joies, notre Dieu a voulu épouser notre humanité, c’est-à-dire se lier à nous plus radicalement que l’homme et la femme dans l’union conjugale.

Le prophète Isaïe, que nous entendions dans la première lecture, exprimait de manière splendide ce mystère d’alliance nuptiale qui éclaire toutes les Ecritures, en mettant dans la bouche du Seigneur ces mots adressés à nous comme ceux d’un amoureux à sa bien-aimée : « Tu seras appelée “Ma Préférence”, […] car le Seigneur t’a préférée et cette terre deviendra “L’Epousée”. Comme un jeune homme épouse une vierge, ton bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. »

Voilà pourquoi les noces de Cana, au début de l’Évangile de Saint Jean, sont si importantes. À l’encontre de bien des interprétations théologiques qui ne voient l’Incarnation que sous l’angle dramatique du sauvetage d’une humanité pécheresse et pervertie, ce récit des noces de Cana où Marie est présente et Jésus a été invité avec ses disciples, nous dit que si Dieu est venu partager notre destinée humaine c’est parce qu’il est amoureux de nous.

Certes, il connaît bien nos défaillances et nos errances tragiques qui défigurent sa création et trahissent son projet créateur. Et c’est pourquoi le Seigneur ira jusqu’à se livrer à la mort de la croix pour nous sauver et nous sanctifier. Mais, encore une fois, il importe de ne pas oublier cette clef de lecture qu’est l’épisode des Noces de Cana pour bien comprendre le projet de Dieu sur nous et la passion amoureuse qu’il nous a manifesté jusqu’à l’extrême du don : « Tu seras la joie de ton Dieu ! »

Tout commence donc par ce “signe” de l’eau changée en vin : « Commencement des signes que Jésus accomplit » dit l’Évangile. C’est ici qu’il nous faut bien comprendre ce que signifie ce terme de “signe” (“sèmèion”, en grec) si souvent employé par Saint Jean, et qui est bien plus que ce que nous entendons spontanément dans notre langage courant.

Pour Saint Jean le “signe” est une action qui dévoile l’agir de Dieu et qui renvoie à Jésus comme à son médiateur. Et ce “signe”, s’il est bien interprété, nous introduit alors dans une relation de foi avec Jésus.

Ce n’est pas le fait miraculeux des 600 litres d’eau changés en vin qui suscite la foi, (le maître du repas, constatant le phénomène extraordinaire, ne va pas plus loin). C’est l’inverse qui est vrai : c’est dans la mesure où nous croyons en Jésus et lui faisons totalement confiance que sa puissance pourra se déployer.

Marie, par la qualité de sa foi, nous est ici une aide présieuse. Elle seule perçoit le manque de vin qui va gâcher la fête. Elle seule intervient auprès de son fils : « Ils n’ont plus de vin. » Et c’est encore elle qui, malgré la mystérieuse réaction de Jésus : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. », dans une totale confiance en son fils, interpelle néanmoins ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »

« Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » Voilà bien jusqu’où doit aller notre propre foi.

Avec les disciples de Jésus nous sommes invités nous aussi à la Noce pour vivre auprès de Marie comme un apprentissage de la foi, c’est-à-dire passer d’une simple séduction pour ce que Jésus fait de grand dans nos vies et dans celle des autres, à une confiance radicale dans le Seigneur Jésus, même lorsque nous sommes confrontés à la douloureuse expérience du silence, et même de l’absence de Dieu.

L’agir du Seigneur n’est jamais quelque chose d’immédiatement évident qui s’imposerait à nous sans contestation possible – dans ce cas il n’y aurait d’ailleurs plus de place pour la foi ! Par contre, il nous faut relire l’événement, le méditer amoureusement, pour en saisir la portée véritable. D’où l’importance de toujours revenir à la Parole de Dieu. Car les miracles de Jésus, considérés en eux-mêmes, n’ont pas de signification claire, immédiate. ils constituent, le plus souvent, une énigme qui ne peut être interprétée qu’à la lumière de la foi, c’est-à-dire (encore une fois) à la lumière de notre confiance dans le Seigneur Jésus.

« Ils n’ont plus de vin. » Si le vin de l’amour – dont notre Dieu est l’unique Source – vient à manquer, toute union conjugale risque fort, laissée à elle-même, de tourner court, comme on le constate, hélas, si souvent aujourd’hui.

« Ils n’ont plus de vin. » Si le vin de l’amour vient à manquer, nos efforts pour susciter l’unité de l’Église et de la famille humaine risquent bien d’être sans lendemain.

Jésus seul peut nous procurer le Vin nouveau de l’Esprit qui changera nos tristesses en joie et nos découragements en audace. Alors, avec Marie – sa mère et notre mère – ne cessons pas de le supplier de prendre en pitié notre monde si tourmenté et notre Eglise divisée : « Ils n’ont pas de vin ! »

 

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