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Abbaye Notre Dame d Acey

1er Janvier 2023, Journée mondiale de Prière pour la Paix : plantation d’un ginkgo biloba, conjointement à l’association ADN.

film (image, son, montage) de Violaine Favart

Mot du Père Abbé

Chers Amis, chers voisins,

Nous voici réunis, nombreux, en ce premier jour de l’année, autour d’un arbre de Paix, dans cette initiative conjointe entre l’association ADN, qui lutte pour le désarmement nucléaire, et notre communauté monastique. Commencer l’année en plantant un arbre c’est un acte de d’espérance, et c’est certainement bien la commencer. Nous nous souvenons aussi que ce 1er janvier a été voulu par Paul VI comme Journée mondiale de prière pour la Paix.

Nous sommes un peu intimidés face à cet arbre, un peu balbutiant pour ce rituel millénaire et toujours neuf qui nous rassemble aujourd’hui, militants, moines, élus, et vous tous citoyens d’alentour. Nous nous demandons comment cela va-t-il se faire ? Est-ce que vraiment la Paix peut être plantée ? Et saurons-nous prendre soin de ce plant ?

Pourtant, nous le sentons bien, il y a, en nos cœurs, cette espérance un peu folle, mais plus forte que tout, cette profonde aspiration à la paix. Or la paix a besoin de témoins, de prophètes, et vous en êtes, militants d’ADN, comme nous essayons de l’être. Parce que le cœur de l’homme recèle aussi d’autres voix qui crient violence, rapine, vengeance, et que même la justice que nous prétendons imposer, et surtout quand nous le faisons par les armes, s’inscrit toujours dans un cycle de vengeances et de violences, et apparaît souvent une suprême injustice au parti adverse.

« Il nous faut défricher en nos cœurs des clairières de paix », disait Etty Hillesum, cette jeune femme juive, à la fois athée et travaillée de lumière, témoin d’humanité au milieu de la barbarie nazie qui a fini par l’emporter à Auschwitz.

Pour nous moines, chercheurs de Dieu avec et pour nos frères et sœurs en humanité, la vie commune est le lieu où notre désir de paix est sans cesse confronté à notre propre violence. Vous connaissez sans doute les moines de Tibhirine, nos frères proches, qui dans la tourmente de la guerre civile algérienne, ont été jusqu’au bout, par leur simple présence, des témoins d’humanité, d’une paix et d’une amitié possible. Confrontés à l’horreur quotidienne de cette guerre, menacés, ils priaient pour la paix, avec la conscience qu’ils ne pouvaient demander de désarmer les violents sans demander d’abord d’être désarmés eux-mêmes, de désarmer leur propre cœur, leurs propres peurs, et leurs convictions mêmes. « Désarme-moi, désarme-nous, désarme-les ». Telle était devenue leur prière, et telle peut devenir la nôtre dans notre monde déchiré.

Seul celui qui aurait totalement éteint en lui les germes de haine et de violence, devient en vérité bâtisseur de paix et source de paix. Le Christ pour nous est la Paix. La Paix est le don de celui qui a traversé jusqu’à l’ultime conséquence la violence, l’injustice, la torture et, parce qu’il a traversé jusqu’à la mort devenue don de la vie, il a éteint la haine en allant jusqu’au bout de l’Amour.

Toute guerre, toute violence trahit la voix intérieure qui nous invite à la paix et à la fraternité. Les armes signent l’échec des mots, le refus d’une parole échangée, d’un dialogue. Mais l’arme nucléaire à cause même de sa capacité destructrice sans égale en souligne la dimension suicidaire, et c’est toujours l’humanité que l’on tue en soi avant de la tuer dans l’autre. Utiliser, mais aussi posséder l’arme nucléaire, est profondément immoral a redit le pape François, quelques temps après le début de l’invasion russe en Ukraine. Cette arme et toute arme de destruction massive paralyse le dialogue et sape la confiance qui en est la condition. Elle impose un chantage odieux et fou, que démentissent les 200.000 morts de Hiroshima et Nagasaki. C’est à eux et à toutes les victimes de la guerre que nous pensons en plantant ce ginkgo biloba, comme un symbole de paix.

Nous voulons à travers cet arbre planté ensemble nous laisser ramener à notre tâche d’humanité, notre mission de veilleur et d’éveilleur de paix. Dans le contexte actuel du conflit ukrainien, la voix de la paix par le désarmement apparaît à beaucoup utopique. Mais notre posture campée sur l’arme nucléaire, sur la bombe, qui prétend édicter qui est légitimement propriétaire de cette arme, attise appétits et frustrations, et surtout renie les idéaux d’humanité que nous prétendons défendre. Elle finit même par sanctuariser les agressions les plus cyniques. Tout homme, toute femme, tout peuple a droit à la paix, et ce droit de tous nous oblige à la bâtir ensemble et pour tous, dans le choix de la justice et du dialogue. Seule la conscience d’une dignité commune au sein de la famille humaine peut nous faire prendre le chemin de la Paix, dans l’esprit d’Assise que le pape Jean-Paul II avait inauguré en 1986, invitant tous les grands responsables religieux à se rassembler et prier pour la paix.

Aujourd’hui je vous propose, dans ce même esprit, de retrouver les mots de cette prière ancienne et toujours neuve, qui nous rappelle que c’est comme fils et filles du même Père que nous sommes en vérité frères et sœurs.

Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que …